Réfléchir à son identité visuelle

Clip, photo, logo, bannière, affiche, l’arsenal de communication est souvent dégainé à tort et à travers par les groupes avides de like et de reflets dans le miroir.

Romain Barbot, artiste auteur indépendant depuis 2005 (iamsailor.com) et musicien pour SAÅAD remet les pixels à l’heure avec une liste de conseils qui devraient faire économiser du temps, de l’énergie et de l’argent à tout le monde. 

> RÉFLÉCHIR AU CARACTÈRE DE SA MUSIQUE

Le mot le plus important dans « identité visuelle », c’est « identité ». Le « visuel » vient ensuite avec les supports.

En premier lieu, désamorcer la question suivante : quel est, au-delà du style, le caractère de ma musique ? Mystérieuse, énergique, nocturne, rouge, automnale, désertique ? Après avoir cogité et verbalisé cet imaginaire, un nuage de mots-clefs apparaîtra et avec lui une ligne directrice pour les pistes graphiques. Le fond d’abord, la forme après.

> NE PAS ILLUSTRER À TOUT PRIX

Si vous avez besoin d’images, c’est que vous avez quelque chose à présenter. Si vous n’avez rien à présenter alors vous n’avez pas (encore) besoin d’images. 

Attendez d’avoir fini le disque pour vous pencher sur la pochette et d’avoir des concerts à annoncer pour faire une photo de groupe digne de ce nom. Rien ne sert de courir, il faut communiquer à point, ni trop tôt, ni trop tard. Si toutefois, vous estimez avoir besoin d’éléments graphiques alors que les délibérations piétinent encore, il vous faudra impérativement opter pour quelque chose de sobre et d’évolutif.

> APPRENDRE À PARLER À UN GRAPHISTE

La·Le graphiste est votre ami·e, il·elle veut le bien de votre musique. Tout comme l’ingé-son se consacre à l’enregistrement de votre disque, la·le photographe à votre image, la·le booker·euse à vos dates, la·le graphiste est un·e allié·e. 

Des échanges constructifs s’imposent avec lui·elle comme avec le reste de vos partenaires afin d’oeuvrer à la seule et même direction artistique. Lorsqu’un·e graphiste vous dit que vous ne « pouvez pas faire rentrer tout l’univers du groupe » sur une pochette de disque, il·elle a raison. Faites lui confiance, suivez-le·la dans les risques qu’il·elle vous invite à prendre. Accordez-vous sur une définition commune des termes que vous employez et sur la pertinence des outils à adopter ou non.

> MÉDITER ET MÉRITER SON LOGO

De tous les accessoires, le logo est souvent le plus demandé mais probablement le moins utile. Si certains genres musicaux s’y prêtent plus que d’autres (metal, electro), c’est loin d’être un chantier prioritaire.

 Se soucier du logo avant de savoir à quoi, comment et où il va servir est aussi déraisonnable que d’installer la charrue au devant des boeufs. Un logo ne marchera qu’à condition d’être reproduit. Le conseil est donc le même qu’au sujet de l’identité globale. Si malgré ces avertissements, vous voulez un logo pour demain matin, préférez-lui un gimmick graphique qui puisse être récurrent et susceptible d’évoluer au gré des envies et des humeurs du groupe.

> (NE PAS FORCÉMENT) SOURIRE SUR LA PHOTO

À l’opposé du logo dans la chaîne de la réflexion, la photo est probablement le premier élément sur lequel les groupes peuvent se pencher sans trop d’embarras. 

La photo est le média le plus simple pour se présenter, elle huile les relations presse, permet d’enrober les annonces de concerts. Si vous êtes timide, rien ne vous oblige à vous exposer en gros plan, jouez avec le contre-jour, les décors. Profitez de la photo pour exprimer les différentes facettes de votre musique. Faites en 3 ou 4 différentes les unes des autres pour pouvoir laisser aux pros le soin de choisir. Une fois n’est pas coutume, restez cohérents avec la réflexion globale sur votre identité visuelle.

> PRÉFÉRER LA SESSION LIVE AU CLIP

Il y a, grosso modo, deux type d’artistes : les nomades et les casaniers. Les nomades sortent, jouent, font des concerts et ont besoin de vidéos pour se promouvoir. Les casaniers privilégient le studio, le stream et misent beaucoup sur les visuels et les pochettes. Ce conseil s’adresse à la première catégorie. 

En attendant d’avoir les finances et les idées indispensables à la réalisation d’un véritable clip, favorisez la prise de vue d’une session live. Aucun·e tourneur·euse ou programmateur·rice ne vous fera du pied sans avoir une idée de ce à quoi ressemble une de vos performances. Réfléchissez à l’ambiance, au décor, à la scénographie et évidemment soignez la prise de son. Silence. Action.

> NE PAS TRAVAILLER POUR LES RÉSEAUX SOCIAUX

De la même façon que dans le couple « identité visuelle », l’identité prime sur le visuel, c’est bel et bien la notion de « réseau » qui l’emporte lorsque l’on évoque les réseaux sociaux. 

L’erreur la plus coûteuse que commettent les groupes amateurs est de reproduire sur les internets les codes des grosses machines. Autrement dit : ils s’essoufflent à mettre en ligne des choses que très peu de personnes attendent. Il est temps de renverser la vapeur et faire en sorte que les réseaux sociaux travaillent pour les artistes plutôt que les artistes ne travaillent pour les réseaux sociaux. Ces derniers doivent être utilisés non comme une fin mais un moyen. Les groupes y ont trop vite fait de franchir le point de non retour qui sépare l’art du marketing. Nous y venons.

Tandis que l’art répond à des envies intimes, enfouies et énigmatiques, le marketing comble des besoins qui n’existent pas. À méditer. De trop nombreux·ses musicien·ne·s cèdent encore aux sirènes molles et consensuelles du marketing lorsqu’il·elle·s se mettent en tête de « plaire ou parler au plus grand nombre». 

Pourquoi la réflexion autour de votre image devrait-elle être moins audacieuse, moins osée que vos textes ou la production de vos chansons ? Enfin, l’« image» seule et unique n’existe pas. Elle est la combinaison de plusieurs images qui dévoilent sur le long terme, tel un bain révélateur, une certaine identité visuelle. C’est par là que tout commence et tout finit.

Fiche par Romain Barbot et Geoffrey Sébille (maj 01/03/2021)