Object rédactionnel non identifié depuis l’avènement de l’industrie musicale, la bio sème encore et toujours le trouble dans les esprits. Que faut-il dire ? À quoi sert-elle ? Qui la lit ? Y a t’il au juste quelqu’un qui les lit ? Petit fiche de survie non exhaustive en cinq points.
Écrire, c’est d’abord ne pas écrire. Dans un premier temps, lisez les bios des autres. Décortiquez les textes qui présentent les groupes sur les sites des salles, des labels, des festivals, des médias que vous affectionnez.
Établissez une black-list des expressions qui vous paraissent douteuses et, à contrario, une white-list de tournures éloquentes. Demandez-vous pourquoi telle bio vous fait une bonne impression et pourquoi celle qui évoque les « mélodies envoûtantes », le « rock atmosphérique », les « riffs acérés » et autres « rythmes implacables » vous ennuient. Vous découvrirez au gré de vos lectures toujours plus exigeantes que la mauvaise bio se contente de recycler les sempiternelles mêmes formules alors que la bonne bio caracole hors des sentiers rédactionnels battus. Mais pour arriver à ce constat, il faut lire, lire, lire. Toujours et encore lire.
Bien qu’il n’existe aucun gabarit de référence au sujet de la bio (c’est bien là où le bât blesse), le bon sens nous indique certaines données essentielles à mentionner : votre style (évitez les « mélanges explosifs » et les « savoureux dosages »), vos influences (3, 4 maximum histoire de vous cerner), votre parcours (privilégiez les éléments avantageux), une photo (délivrez-vous des codes du genre), un contact (fiable, réactif) ainsi qu’un ou deux liens d’écoute.
Voilà pour le minimum syndical des ingrédients. Lorsqu’il s’agira de les cuisiner et de les doser, ne cédez pas aux fourbes sirènes de la communication et du « storytelling ». Contentez-vous d’écrire. Simplement, sobrement, humblement, véritablement. Ne cherchez pas de concept là où il n’y en a pas. Ne trompez pas sur la marchandise mais enrobez-la de mystère, de panache, de caractère.
Écrire sa bio, c’est un peu comme arrêter de fumer, c’est plus facile en se faisant aider. Des phrases spontanément verbalisées dans le cadre d’une discussion à propos de votre musique et de votre groupe sonneront toujours mieux que les éléments de langage creux que l’on se sent obligé de copier-coller.
Ceci étant dit, une fois le processus maïeutique collaboratif achevé, la rédaction en chef de la bio incombe, comme son nom l’indique, à un seul et unique chef. Au même titre que la photo de groupe, qu’une prise de son de batterie ou que l’agencement d’une set-list, la bio est un parti-pris. Son approbation et sa validation ne doivent donc pas nécessairement faire l’objet d’un consensus au sein du collectif. Vous êtes prévenus.
Voilà qui paraît élémentaire mais toujours utile à rappeler tant les groupes, au moment de prendre le stylo, se retrouvent empêchés par la difficulté de « décrire », de « définir » ou d’ « expliquer » leur musique. Prenons un instant de la hauteur sur le circuit promotionnel qu’emprunte la bio.
Dans la majeure partie des cas, la lecture de la biographie d’un groupe précède l’écoute de la musique du groupe en question, n’est-ce pas ? CQFD : la bio est au disque ce que la bande-annonce est au film. Elle doit aguicher, intriguer, attiser. La bio n’est pas de la musique mais un aperçu de la musique. À ce titre, la seule chose qu’elle serait en mesure de « décrire », de « définir » ou d’ « expliquer » n’est pas la musique mais les effets, les sensations que la musique est susceptible de provoquer.
Les questions qui hantent les musicien·ne·s sont les mêmes depuis la nuit des temps. Quelle taille pour le texte ? Peut-on écrire une bio à la première personne ? Faut-il mentionner les musicien·ne·s ? Sur papier ou PDF ? A t’on le droit de citer un livre, un film comme influence ? Bien que ces doutes soient légitimes, ils attestent d’une frilosité et d’une prudence toujours étonnantes dans un milieu tel que celui de la musique, censé carburer à l’audace et au risque.
S’il n’y avait qu’une chose à retenir à propos de la bio, c’est l’absence de réglementation et de législation à son égard. Le meilleur conseil à donner aux artistes, en plus des quatre précédents, est donc de s’affranchir une fois pour toutes de contraintes qui n’existent pas et de cesser d’en créer de nouvelles qui existent encore moins. Dans l’écriture d’une bio comme dans celles de vos chansons, seul le style compte.