Le droit d’auteur concerne tous les créateurs : auteurs, compositeurs, plasticiens, peintres, photographes, écrivains, cinéastes, chorégraphes, metteurs en scène… Le terme « auteur » utilisé ici regroupe toutes ces activités artistiques.
Tous les artistes créateurs disposent du droit de protéger leurs œuvres et d’en déterminer les conditions d’exploitation.
Un droit a aussi été reconnu pour les artistes-interprètes pour leurs interprétations fixées et enregistrées : les droits voisins au droit d’auteur. Les producteurs phonographiques en bénéficient aussi.
Ces droits ont une nature dualiste permettant une double protection : à la fois économique et intellectuelle. On parlera alors de droits patrimoniaux d’une part et de droit moral d’autre part.
L’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle (CPI) indique que « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial ».
Quelques repères historiques sont fondamentaux pour comprendre l’origine de ces droits.
Sous l’Ancien Régime, les artistes vivent en grande partie de pensions versées par de prestigieux mécènes. Avec la Révolution, l’art commence à être envisagé comme une activité professionnelle à part entière.
Beaumarchais en 1777 fonde la première société d’auteurs dramatiques exclusivement dédiée aux œuvres théâtrales et conduit ainsi à faire reconnaître le droit d’auteur dès 1791. La musique était considérée à l’époque comme un art mineur. Plusieurs auteurs se mobilisent pour la reconnaissance de leurs droits et un nouveau décret reconnaît le droit d’exécution publique comprenant les concerts. Le droit de reproduction et d’édition définit alors le fait qu’un auteur peut céder ses droits à un éditeur, ainsi que la durée de vie de ses droits.
En 1849, plusieurs auteurs et compositeurs s’associent afin de faire respecter la légitimité du principe du droit d’auteur et les rétributions légales correspondantes pour la divulgation et la reproduction de leurs œuvres. Ils posent ainsi les bases d’une société mutuelle « syndicat des auteurs compositeurs et éditeurs de musique » qui deviendra au fil du temps la SACEM, ayant pour objet la protection mutuelle de ses membres « envers les entrepreneurs de spectacle et établissements publics qui exécutent des œuvres musicales ». En 1858, la SACEM compte 760 membres.
En 1957, la loi reconnaît aux auteurs les droits patrimoniaux et le droit moral. Ce dernier est immatériel et comprend la reconnaissance de la paternité de l’oeuvre et le respect de l’intégrité de l’oeuvre.
En 1985, en raison de l’évolution technologique des supports, la loi Lang reconnait des droits voisins au droit d’auteur, grâce à la copie privée sonore et audiovisuelle qui permet une juste rémunération des créateurs, auteurs, éditeurs, artistes-interprètes et producteurs pour l’utilisation de support vierge de stockage (cassette, DVD, CD, clé USB, disque dur, tablette, etc.).
En 1992, le Code de la Propriété intellectuelle couvre un champ beaucoup plus vaste en intégrant aussi des dispositions pour la propriété industrielle (brevets, marques…). Celui-ci abroge et remplace finalement les lois de 1957 et 1985.
Les auteurs et artistes-interprètes bénéficient en France d’une protection juridique demeurée longtemps sans équivalent dans le monde.
L’auteur possède des droits sur son œuvre du seul fait de sa création.
L’article du CPI L 112-1 précise que sont protégés « les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit quels qu’en soit le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination».
Ce droit reconnaît deux critères pour l’existence d’une œuvre à savoir l’originalité et la formalisation de l’oeuvre :
La spécificité du droit d’auteur est qu’il est conféré du seul fait de la création d’une œuvre. Il n’y a ainsi aucune formalité administrative ou légale à réaliser pour faire reconnaître ce droit.
Cependant, en cas de litiges, afin de garantir ces droits et de faire reconnaître la date de création de l’oeuvre et la preuve de la paternité de l’auteur, plusieurs dispositifs permettent à l’auteur de s’identifier :
• s’envoyer à soi-même une lettre contenant une fixation de l’oeuvre en recommandé avec accusé de réception sans ouvrir l’enveloppe lors de la réception. On peut ajouter le journal du jour dans l’enveloppe pour justifier de la date. Le cachet de la poste fait foi.
• auprès d’un notaire ou d’un huissier.
• le dépôt d’une enveloppe Soleau (en physique ou en ligne) auprès de l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle) https://www.inpi.fr/fr/services-et-prestations/e-soleau Il s’agit d’un service payant et limité dans le temps.
• le dépôt en ligne sur le site https://e-dpo.com/fr/ Ce site est géré par la SACD mais il n’est pas nécessaire d’être sociétaire de la SACD pour déposer une œuvre et la protéger. Il s’agit d’un service payant et limité dans le temps.
• auprès des sociétés de perception et de répartition de droits type SACEM, SACD, SCAM lorsque l’on est sociétaire de celles-ci en fonction de leur objet.
Une œuvre est en général la propriété d’un seul et unique créateur mais il arrive aussi que plusieurs auteurs participent une création commune. C’est en effet souvent le cas dans le champ de la musique mais aussi de la création scénique.
Il faut différencier cette notion de création commune avec celle d’ayant droit qui désigne quant à elle désigne une personne physique, parent ou héritier des droits de l’auteur à son décès ou une personne morale qui aurait acquis les droits d’auteur en vue d’une production (disque, film, spectacle…).
Nous distinguerons donc trois types d’oeuvre en fonction de la nature même des participations des co-auteurs : œuvre de collaboration, œuvre composite ou œuvre collective.
• Une œuvre de collaboration est « l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques » article L. 113-2 alinéa 1 du CPI. Plusieurs auteurs identifiés ont contribué conjointement à sa réalisation. Ils ont alors sur cette œuvre des droits en indivision. Chaque contribution est clairement identifiable et indissociable des autres apports.
C’est le cas d’une œuvre audiovisuelle ou d’une musique « co-signée » par plusieurs compositeurs, ou encore d’une chanson. Dans ce cas, considérant que même si les paroles et la mélodie/musique peuvent avoir une existence propre en termes de droits et d’utilisation, la chanson en tant que telle n’existe que par l’existence de ces deux composantes, à savoir paroles et musique. Les coauteurs d’une œuvre de collaboration se partagent les droits patrimoniaux selon un pourcentage qu’ils auront défini d’un commun accord. Pour les œuvres mêlant texte et musique, la répartition se fera par fraction égales (cf règlement de la SACEM).
• L’oeuvre composite est une « œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière » article L. 113-2 alinéa 2 du CPI. C’est le cas des traductions, adaptations, emprunts, samples reconnaissables etc.
Cela implique l’incorporation d’une œuvre plus ancienne sans la participation de l’auteur original à cette nouvelle création (exemple incorporation d’une musique dans une œuvre multimédia, utilisation d’une photo dans un tableau comme le Diptyque Marilyn de A. Warhol).
Dans ce cas, il est indispensable d’avoir l’accord de l’auteur (ou de ses ayants droits) pour l’oeuvre concernée, sauf pour l’utilisation d’une œuvre du domaine public. Par contre, les droits moraux de l’auteur doivent être respectés.
• L’oeuvre collective est plus rare dans le secteur musical. Selon l’article L. 113-2 alinéa 3 du code la propriété intellectuelle « L’oeuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. ».
C’est le cas d’un journal, une encyclopédie ou un dictionnaire.
Il s’agit d’une œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom, qui assume la conception, la réalisation et la diffusion de l’œuvre. La contribution personnelle des divers auteurs n’est pas identifiable et il devient impossible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé.
Particularité du droit d’auteur en France, le droit moral est défini dans les articles L121-1 à 121-4 du CPI. Ce droit très puissant est attaché à l’auteur ou ses ayants droits. Il comprend quatre attributs :
• Le droit au respect de son nom (droit à la paternité) : l’oeuvre doit toujours être divulguée sous son nom. Il faudra ainsi toujours indiquer le nom de l’auteur à chaque fois que l’on portera l’oeuvre à la connaissance du public.
• Le droit au respect de son œuvre : l’oeuvre portée à la connaissance du public sous une certaine forme ne peut être modifiée sans son accord. Pour un film par exemple cela peut être un remontage ou pour une chanson une modification des paroles.
• Le droit de divulgation : l’auteur est le seul qui possède le droit de porter à la connaissance du public son œuvre et dans les conditions qu’il souhaite.
• Le droit de repentir ou de retrait : il permet à un auteur qui a cédé son droit d’exploitation d’interdire la diffusion ou utilisation de l’oeuvre sous réserve d’indemniser le préjudice causé du fait du retrait de l’autorisation. Dans les faits, dans la musique ou le secteur audiovisuel, ces actions sont possibles mais rares car les frais d’indemnisation à la charge de l’auteur seront en général dissuasifs (frais de production d’un spectacle déjà monté, destruction des œuvres, retraits des supports physiques etc.).
Il est à noter que le droit moral n’est pas limité dans le temps, quelle que soit la date de décès de l’auteur et y compris si l’oeuvre est entrée dans le domaine public. Il est précisé que ce droit est « perpétuel, inaliénable et imprescriptible », « transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur. »
Les droits d’exploitation de l’oeuvre se caractérisent par la propriété incorporelle que l’auteur a sur son œuvre. L’auteur peut ainsi autoriser ou en interdire l’exploitation, en cédant des droits de représentation et/ou droits de reproduction, sous quelque forme que ce soit. Ces cessions de droits génèrent une rémunération pour l’auteur.
Ces droits patrimoniaux sont exclusifs, l’auteur (ou son éditeur) étant le seul à même à définir les conditions d’exploitation.
Contrairement au droits moraux, ils sont limités dans le temps : l’ensemble des droits patrimoniaux de l’auteur est reconnu durant toute sa vie ainsi qu’à ses ayants droits pendant les 70 ans qui suivent son décès. Pour les œuvres de collaboration, la durée est de 70 ans à compter de la mort du dernier coauteur.
• Le droit de représentation est le droit de communiquer ou faire communiquer son œuvre au public par un quelconque procédé : concert, représentation, diffusion directe ou indirecte (radio, télé). A titre d’exception, l’auteur ne peut pas s’opposer à la diffusion dans le cadre strict du cercle familial.
• Le droit de reproduction est le droit de fixer et reproduire l’oeuvre sur les supports et procédés de son choix (disque, enregistrement audio et/ou vidéo). Par ailleurs, le droit d’adaptation impliquant la reproduction partielle de l’oeuvre initiale nécessite l’autorisation préalable de l’auteur. C’est le cas d’un sample par exemple.
Toute cession des droits patrimoniaux doit faire l’objet d’une cession écrite, formalisée sous la forme d’un contrat. Les cessions orales ne sont pas valables.
Cette cession doit préciser l’étendue, la destination, le lieu et la durée de l’autorisation accordée.
L’auteur peut aussi décider de céder ces droits à titre gracieux.
Dans le cas d’une cession payante, la rémunération est en principe proportionnelle à l’exploitation qui sera faite par le cessionnaire des droits : par exemple sur les recettes de billetterie d’un spectacle ou sur les ventes d’un disque. La rémunération forfaitaire est possible lorsque l’assiette de rémunération ne peut être déterminée et que selon la nature de l’exploitation de l’oeuvre, la règle de la rémunération proportionnelle est impossible à appliquer.
Pour faire valoir leurs droits et leur permettre une gestion simplifiée et efficace de leurs droits, les auteurs se sont associés au sein de sociétés civiles – organismes de gestion collective avec pour mission la perception auprès des utilisateurs et la répartition.
Dans le champ de la musique et du spectacle vivant, nous rencontrerons principalement la SACD et la SACEM.
• La SACD : Société des auteurs compositeurs dramatiques. Créée en 1777 par Beaumarchais, elle répartit les droits de ses membres auteurs de théâtre, compositeurs d’oeuvres lyriques, chorégraphes, metteurs en scène, scénaristes… Pour le spectacle vivant, la SACD gère spécifiquement le répertoire du théâtre, de la danse, de l’opéra, de la comédie musicale et du théâtre musical. Elle collecte les droits de représentation des œuvres dans le domaine du spectacle vivant et de l’audiovisuel (TV, cinéma, radio…). Elle perçoit et répartit aussi les droits de reproduction mécanique et de copie privée.
• La SACEM : Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique. Créée en 1850, elle est gérée par ses membres. Elle administre un répertoire d’auteurs français et étrangers de près de 8 millions d’oeuvres. Ses sociétaires sont les auteurs, compositeurs de tous styles de musique ainsi que les éditeurs musicaux. La SACEM perçoit et répartit les droits de représentation des œuvres dans le domaine du spectacle vivant et de l’audiovisuel (TV, cinéma, radio…)… ainsi que les droits de reproduction mécanique (via la SDRM) et la copie privée.
La SACEM et la SACD sont dotées d’un réseau mixte de délégations nationales et régionales. Elles ont par ailleurs développé un ensemble de dispositifs d’aide et de soutien à la création, permettant de financer de nombreux projets artistiques.
L’artistes-interprète, tel qu’il est défini dans l’article L212-1 du Code de la propriété intellectuelle « est la personne qui représente, chante, récite, déclame, joue ou exécute de toute autre manière une oeuvre littéraire ou artistique, un numéro de variétés, de cirque ou de marionnettes. »
Il bénéficie aussi de droits définis par la loi du 3 juillet 1985, appelés « droits voisins du droit d’auteur ». Ils font partie des droits de propriété intellectuelle. Ces droits sur l’utilisation leur interprétation enregistrée sont différents du droit à l’image, dont dispose tout citoyen.
Comme pour le droit d’auteur, l’artiste-interprète possède un droit moral et des droits patrimoniaux sur les enregistrements de son interprétation.
Le droit moral comprend le droit au respect de son nom, de sa qualité et de son interprétation. Il est transmissible à ses héritiers et est inaliénable et imprescriptible.
L’artiste-interprète peut céder ses droits à titre gracieux ou en contrepartie d’une rémunération forfaitaire ou proportionnelle.
Les droits voisins reversés directement par le producteur phonographique ou audiovisuel est proportionnel aux recettes générés par l’exploitation ou la vente des supports (vente de disque, DVD, streaming, droits de diffusion télévisuels…). Ils sont appelés redevances ou royalties. Ce mode de rémunération est la conséquence d’une négociation prévue par contrat entre le producteur et l’artiste-interprète.
Ces rémunérations légales sont perçues et redistribuées par deux sociétés civiles : l’ADAMI et la SPEDIDAM.
• L’ADAMI : Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes. Créée en 1955, elle gère les droits droits d’environ 100 000 comédien.ne, imitateur, marionnettiste, mime, diseur/conteur, artiste de cirque, cascadeur, musicien, chanteur, artiste lyrique, chef d’orchestre, chef de chœur, Dj, danseur soliste…. En théorie sont adhérents les artistes-interprètes principaux dont le nom figure sur l’étiquette des phonogrammes ou au générique des œuvres audiovisuelles ou cinématographiques. L’ADAMI collecte les droits à rémunération pour copie privée sonore et audiovisuelle et le droit rémunération équitable pour l’exploitation des interprétations enregistrées.
• La SPEDIDAM : Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes. Créée en 1959, tout artiste-interprète est susceptible d’adhérer à la SPEDIDAM, qu’il soit artiste principal ou non, soliste ou non, membre d’un groupe ou non. La SPEDIDAM gère aussi les droits à rémunération pour copie privée sonore et audiovisuelle et le droit à rémunération équitable.
La SPEDIDAM et l’ADAMI ont signé le 17 octobre 2016 un accord négocié en présence du ministère de la Culture et de la Communication afin de rapprocher les deux sociétés, de renforcer et faciliter la gestion collective des droits au service de tous les artistes-interprètes. L’accord prévoit la création d’un ensemble commun la SAI, Société des Artistes-Interprètes.
Depuis la loi du 3 juillet 1985, les producteurs de phonogrammes et de vidéomusiques possèdent aussi des droits voisins du droit d’auteur sur les enregistrements dont ils sont propriétaires (master, bandes originales, rushes etc.).
Ces droits exclusifs leur permettent d’autoriser ou d’interdire :
Ces droits exclusifs peuvent être gérés directement par les producteurs dans le cadre de contrats généraux ou en donnant mandat de représentation à une société civile telle que la SCPP ou SPPF.
Les producteurs de phonogrammes et de vidéomusiques bénéficient aussi des rémunérations légales à savoir la rémunération équitable pour les utilisations et diffusions des oeuvres ainsi que des droits issus de la copie privée.